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L'inéluctable...

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..........................................................................................  (90ème épisode)

 

Ce jour fatidique, le 15 octobre 1996, le téléphona sonna vers dix heures. D’un geste machinal, Christiane décrocha avec la certitude que c’était sa mère, Giselle. Ce fut un choc, quand elle reconnut la voix de l’aide-ménagère. Son cœur s’emballa. Cette dernière lui rapporta que Giselle, avait été trouvée gisant à même le sol de sa chambre, le corps sans vie ; et ceci, suite à une chute. Anéantie par cette nouvelle, Christiane, tout en raccrochant le combiné du téléphone, balbutia un merci et éclata en sanglots. Sa maman n’avait que soixante-neuf ans. Au paravent, elle avait fait plusieurs séjours à l’hôpital de Châtellerault. Lors d’un accident cardiaque, son cœur avait cessé de battre, quinze longues minutes. Il est vrai que Giselle, très accro à l’alcool et à la cigarette, n’avait pas économisé son capital santé. La vie ne l’avait pas non plus épargnée. Combien de fois Christiane, avait vu sa mère pleurer en maudissant son destin et souhaitant la délivrance… ? Eh bien, maintenant, elle était partie, délivrée de cette vie qui lui avait si peu donné et à laquelle elle ne tenait plus depuis fort longtemps. Pour Christiane, sa cadette, ainsi que pour sa petite fille, Roselyne, elle avait tenu à force de volonté en endurant au quotidien, sa solitude et ses souffrances ; qu'elles soient tant physiques que morales.  Elle s’en était allée vers la lumière intense d’amour et de sérénité. Tout du mois, Christiane, le croyait. A présent, privée de ce qu’elle avait de plus cher après sa fille, qu’allait-elle faire ? En urgence, il fallait qu'elle revienne à la réalité. Qu'elle s’occupe des formalités pour enterrer sa mère. En outre, la chère femme, attachée aux anciennes traditions, avait faire savoir ses exigences : une messe en latin !! A cette époque où les prêtres étaient habitués à prêcher en français, ce serait le parcours du combattant ! C’est le visage souillé par les larmes, qu’elle s’empressa de joindre Didier, son mari, qui était sur un chantier. – Désolé, lui répondit-il, il ne pouvait pas se déplacer. Christiane en pleurs suffoquait au téléphone. – Tu n’as qu’à y aller en train et ensuite, prendre un taxi… Demande à Mado de t’accompagner ! Bouleversée à l’annonce ce décès, Mado accepta sans rechigner et proposa même, de payer le train. Un quart d’heure après, elle avait rejoint Christiane, qui se réfugia contre sa poitrine, en pleurant tout son saoul. Avant toute chose, elle devait joindre le Maire, afin de récupérer les clefs de la maison. Ce qu’elle fit.

 

 

Le voyage ne se déroula pas sans appréhension. Arrivées à Châtellerault, les deux femmes prirent un taxi qui les conduisit jusqu’à « Cernay », le bourg où avait vécu Giselle et son mari. Le taxi parti, c’est l'estomac fermé que Christiane, suivie de Mado, monta les marches du perron. La Maison lui semblait encore plus sinistre qu’à l’accoutumé. La porte à peine ouverte, la chienne de Giselle, à l’affût d’une visite, lui démontra son affection à coups de langue et aboiements intempestifs. En réelle détresse, affamée, désorientée par l’absence de sa maîtresse et seule dans cette maison vide, la bête non seulement ne lâchait pas Christiane, mais la suppliait du regard, de ne pas l'abandonner. Par des caresses et des paroles rassurantes, la jeune femme tenta de la calmer. Comment lui faire comprendre que sa maîtresse était morte ? Qu’elle ne la reverrait jamais, si ce n’est dans l’au-delà… Il régnait dans la chambre où reposait Giselle, un silence oppressant. Christiane, tout doucement, se rapprocha du cercueil. Le visage de la défunte, cireux et glacé tel du marbre, restera à jamais, gravé dans sa mémoire. Elle semblait enfin apaisée. Mon Essentiel, l’embrassa sur le front. Le dernier baiser. Jamais plus elle ne pourrait la serrer dans ses bras, lui dire, O combien, elle avait besoin de sa présence. Giselle avait tout prévu par le biais d’une assurance « Obsèques ». Tout avait été programmé à l’avance. La société, mandatée pour l’enterrement, avait fait un travail remarquable. Giselle, avait été lavée, coiffée, embaumée et habillée. Elle reposait dans un cercueil capitonné de satin rose. Elle semblait dormir. Christiane n’aurait rien à régler. Celle-ci, fit un rapide inventaire des meubles, de la vaisselle, du linge et des vêtements. Aucune valeur. Elle se saisit d’un panier en osier qui traînait dans un coin et y déposa les papiers ayant appartenu à sa mère. Elle prit le peu de bijoux rangés dans une boîte. Des bijoux sans valeur marchande qui, néanmoins, avait une valeur sentimentale. Un collier de perles que Christiane lui avait ramené des Iles Baléares, des boucles d’oreilles, une bague, en guise de cadeau de Noël… Christiane laissa tout le reste. Une enveloppe cachetée avait été posée sur la table de nuit. La lettre dont lui avait parlé Giselle et qui était destinée à son frère et à sa sœur. Avant de repartir, elle entreprit de joindre le vétérinaire qui, en cas de malheur, était apte à s’occuper de la chienne. Ce devoir accompli, c’est comme dans un rêve, que les deux femmes repartirent vers Paris.

 

 

L’enterrement fut fixé le surlendemain, à neuf heures du matin, dans le petit cimetière éternellement balayé par les vents et qui se trouvait non-loin de la maison. Le soir même, tout le monde se retrouva rue de Lévis, chez Lola et son compagnon. Lola, visiblement peu affectée, insista lourdement pour assister aux obsèques. Après un dîner frugal, on se donna rendez-vous le lendemain, à cinq heures. Nous nous étions convenus que Mado garderait la petite Roselyne, qui était bien trop jeune pour être confrontée à la mort. Ce matin du quinze octobre, il faisait très froid. Didier, qui contrairement à son caractère se fit  "anormalement" prévenant, nous accompagna en voiture. Lola donnait l’impression d’aller à une surprise-partie. Christiane, tout en regardant le paysage, se remémorait des scènes au cours desquelles, ce dernier, n’avait manifesté que mépris envers sa belle-mère. En ce jour de recueillement, elle l’imaginait satisfait et heureux de la disparition de celle qu’il n'avait cessé de haïr. Lorsque la voiture se gara devant la petite église du bourg, les pompes funèbres étaient déja sur place, ainsi qu’un pelé et un tondu qui étaient présents pour rendre un dernier hommage à Giselle. Dans l’église, glaciale et minuscule, chacun choisit sa place. Le curé, en dépit de l’empressement de Christiane, fut inflexible et fit son sermon en français. Toutefois, en homme de Dieu, il se rattrapa largement sur le texte, qui fut poignant. Christiane, jetant un regard sur mari, remarqua des larmes qui coulaient sur ses joues. Etait-il soudainement, harcelé par les remords ??

 

 

A la sortie de l’Eglise, de violentes rafales de vent agitaient les arbres pratiqement dénudés. Comme tous les défunts seuls et sans amis, nous étions très peu à suivre le corbillard qui nous menait jusqu’au cimetière. Christiane claquait des dents. La grille du cimetière émis un grincement sinistre. Les fossoyeurs transportèrent le cercueil et le firent descendre dans le caveau où reposait déjà le défunt mari de Giselle, René. Pas de prêche pour un dernier hommage. On grelottait. Le vent cinglant qui s’engouffrait dans les allées, soulevait les feuilles mortes, prémices d’un hiver précoce. Chacun jeta une rose, en faisant un signe de croix. On déposa également les gerbes de fleurs prévues à cet effet ainsi que celles que nous avions achetées. Christiane, en relevant le col de son manteau, fit une prière à Dieu, afin qu’il accueille sa mère, en son royaume. Giselle, avait certes des choses à se reprocher, mais Christiane, très croyante, pria pour le repos de son âme. La jeune femme avait toujours aimé les cimetières. Un lieu qui lui procurait un sentiment de calme et de sécurité, par rapport au monde extérieur, qu’elle redoutait. Les vivants sont certainement beaucoup plus dangereux que les morts. – Ah bientôt, maman. Murmura Christiane, en posant un dernier regard sur le cercueil ; et elle tourna les talons en direction de la sortie, où l’attendait son mari. Ce midi, on déjeuna à Cernay. Christiane, n'ayant pas faim, elle ne toucha pas à son repas. Par contre, l’attitude de Lola, la sidéra. Sans aucune gêne, elle mangea comme quatre et décidément d’une humeur de fête, plaisantait sur n’importe quoi, en faisant abstraction du chagrin de son amie. Oui, comme déjà dit, elle semblait être en voyage d’agrément. Aurait-elle fait preuve d’autant de légèreté s’il avait s’agit de sa propre mère ?

 

De retour à la maison, mon Essentiel, se coucha directement. Les semaines qui suivirent furent un long cauchemar. Des nuits entières, Christiane pleurait en appelant sa mère. Didier, compatissant, essayait en vain de la consoler… Ses larmes finirent par se tarir. En effet, elle apprit de la bouche d’un médium, que le chagrin trop démonstratif de celui resté sur Terre et cher à l’âme échappée de son enveloppe charnelle, freinait sa montée vers la lumière.

 

Christiane n’avait plus de maman et elle dut s’y résoudre.

 

Fille unique, Giselle, avait eu une enfance protégée, entourée d’amour et d’affection par des parents fonctionnaires. Elle avait reçu une éducation stricte et une solide instruction. Enfant surdouée, intelligente, elle avait obtenu à plusieurs reprises le prix d’excellence, au cours de sa scolarité. Giselle, était la réchappée d’une fratrie de trois enfants. En fait, avant sa naissance, sa mère, avait accouché de deux garçons. Deux frères… Deux oncles. Malheureusement, ils étaient morts en bas âge, de la méningite. Giselle, y avait échappé in extremis. Cette maladie était-elle due au mariage consanguin de ses parents, qui s’étaient mariés entre cousins-germains ? D’ailleurs, ils portaient le même nom : Gauthier ! Giselle Gauthier, grandit à Paris, dans un appartement très sombre de deux pièces, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble du 18ème arrondissement, entre ses parents et ses tantes de St-Junien et d’Oradour-s/Glane. Lorsqu’éclata la deuxième guerre mondiale, elle avait quatorze ans. Son père, Marcel, exigeait de sa fille, du courage et du patriotisme, face à l’envahisseur. Ainsi, l’obligeait-il à livrer de fausses pièces d’identité. Giselle, inconsciente de l’ampleur du danger, ne pouvait pas envisager les risques qu’elle encourait ; à savoir, le pire ! Marcel, le grand-père de Christiane, était un ancien militaire de carrière, maintes fois décorés. Lorsque l’armée allemande, vainqueur et triomphante, défila sur les Champs-Elysées, sa femme Margot, se contraignit d’enfermer son mari à clef dans leur chambre à coucher, pendant plusieurs jours. Furieux, comme fou, il prétendait vouloir prendre son fusil pour tirer dans le tas ! Et être fusillé lui-même, peu de temps après… Ce que je rapporte, c’est selon les propos de Giselle, qui n’était pas avare sur les anecdotes se rapportant à la famille Gauthier. D’après cette dernière, il y a fort longtemps, le nom de Gauthier s’écrivait avec une particule. Soit disant, un arrière-grand-père, joueur alcoolique incorrigible aurait tout misé au jeu. Sa fortune (château, meubles, argenterie, tableaux, tapis, bijoux, etc.) mais également, ses titres de noblesse. Pure affabulation de sa part… ? On ne le saura jamais. A moins de payer pour établir un arbre généalogique ! Elle parlait aussi d’une espagnole qui aurait eu les cheveux noirs corbeau ; si noirs, qu’ils en avaient des reflets bleutés. Une lointaine cousine, une tante… Ce qui expliquerait les traits de Christiane, typés espagnol !

 

 

La jeune femme, petite fille, aimait s'assoir face à son grand-père, qui se rasait le matin dans la cuisine. Ebahie, elle ne quittait pas des yeux le blaireau imprégné de crème à raser dont il s’imprégnait tout le visage. Et lorsque le rasoir, par petites touches appliquée, refoulait la crème pour laisser place nette à une peau tout neuve, ce qu’elle éprouvait alors, était indescriptible. En dépit de son penchant pour la bouteille (le vin) c’était un homme bon et honnête. Il adorait sa petite fille, Christiane. A l’âge approximatif de soixante-quinze ans, il fut emporté par une cirrhose du foie. Trop jeune, ma Préférence à moi, n’assista pas à l’enterrement. Sa grand-mère, margot, était une petite femme frêle et effacée. Peu expansive, elle emmagasinait toutes ses émotions en son for intérieur. Ainsi, lorsqu’elle était en colère, de grosses plaques rouges apparaissaient sur ses joues et sa poitrine. Après la perte de son mari, Margot resta seule de nombreux années pendant lesquelles, elle fit plusieurs crises d'hémiplégie qui la laissèrent paralysée. A compter de ce jour, Giselle, dut veiller sur sa mère, qui ne pouvait plus faire face à ses tâches quotidiennes. Christiane se souvient que cette dernière, faisait preuve d'impatience envers sa mère, infirme. Que ce fûsse Christiane, son frère ou sa sœur, chacun participait à sa manière, en veillant sur sa grand-mère.

 

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