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Dieu, que la Corse est belle !

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.......................................................................................... (89ème épisode)

 

Cette année-là, Didier, s’était mis dans la tête de retourner en Corse. Depuis la mort de Mario, son père spirituel et patron des bungalows que nous louions, il nourrissait des regrets. Le couple n’était pas sans ignorer que la propriété avait été reprise par le fils du défunt, également prénommé « Mario », gendarme à Marseille de son état et puis par sa femme, professeur de gymnastique.

 

Le navire sur lequel ma petite famille avait embarqué, était flambant-neuf. Les cabines, ultramodernes, étaient désormais équipées du téléphone et d’une salle de bain privée. Le confort, le luxe, pour Christiane, « mon essentiel », c’était essentiel à son équilibre. Le dîner, dans le restaurant dit gastronomique du navire, lui faisait le plus grand bien sur le plan du moral. Même si elle savait qu’elle aurait un mal fou à digérer et serait peut-être amenée à se forcer à vomir dans la nuit.

 

On débarqua de grand matin à 7 heures. L’air, légèrement frisquet à cette heure, transportait les odeurs familières du maquis. Christiane, frissonna. Elle enveloppa sa fille et Cannelle le chien, d’un doux regard protecteur, tout en se félicitant que la traversée se soit déroulée dans le calme et sans dommages. En effet, la présence des chiens était toujours rigoureusement interdite dans les cabines. Les bêtes, en tant qu’objets, devaient se contenter d’un traitement inhumain : dormir dans des véhicules surchauffés attachés en fil indienne, dans les soutes du navire. Sans eau et sans nourriture. Comme toutes les autres fois, j’étais passée incognito, sans que le l’équipage ou le commandant, n'eût bougé une oreille.

 

Une fois arrivés sur les lieux, nous pûmes constater que les bungalows avaient été refaits. A présent, chacun d’eux possédait une petite terrasse qui préservait l’intimité de chaque locataire. Notre bonne Peach, l’épouse londonniène de feu « Mario père » avait dû céder les lieux aux héritiers de son mari, les seuls propriétaires : Mario fils et son épouse. La vieille et très chic anglaise, manquait cruellement au décor magique de Porticcio, qui avait toujours été sublimé par la gentillesse du couple. Christiane, avec un pincement au coeur, attacha son regard à celui de son mari. Une bouffée de mélancolie la submergea. Que la vie était cruelle… Pensa-t-elle.

 

Leurs amis marseillais avaient également disparu du décor. Ceux-ci avaient divorcé. Christiane en fut surprise, car Josiane adorait son époux, Robert. Néanmoins, elle s’était aperçue combien ce dernier, était attirée par les jeunes et jolies femmes. Cela crevait les yeux ! Las de son épouse vieillissante, comme beaucoup d’homme en recherche de séduction, il s'était toquée d'une femme plus fraîche et plus désirable et, s'était fait la valise. Pas de pitié ! Ces Messieurs, hélas, pensent toujours au niveau du dessous de la ceinture ! Jusqu'à parfois se faire tondre jusqu'à l'os par leur dulcinée. Une carence typiquement masculine qui les mène souvent à l'irréparable. La femme vieillissante, elle, n'a pas d'autre choix que de se contenter de son sort et d'assumer son corps dégradé, ses rides, ainsi que son manque  de séduction ! C'est bien connu, les hommes... plus ils ont de maîtresses, plus c'est valorisant. Aux yeux de leur entourage, ils passent pour des tombeurs, des chauds-lapins, des bourreaux des coeurs, des hommes à femmes... Tandis que les femmes volages qui commettent l'adultaire, sont affublées des termes de gourgandines, salopes, putain...

 

Un matin, Christiane, se réveilla avec une boule au niveau de la gorge qui la faisait énormément souffrir. Dans un état fébrile, elle se leva du pied gauche et ne tarda pas à constater qu'elle avait un mal de chien à avaler. C’est Mario qui se proposa de l’accompagner chez un médecin qui diagnostiqua une infection des glandes salivaires et qui lui ordonna des antibiotiques. Décidément, râla-t-elle intérieurement, ça commençait bien !

 

Didier et son épouse, s’accrochaient à tout propos. Et plus l’ambiance était tendue entre eux, plus Didier en rajoutait. Remarquez, ce n’était pas nouveau ! Or, les vacances, comme pour tous les couples, sont un test de bonne entente familiale. Lorsque l’on est confronté l’un à l’autre à longueur de journée et que l’un, n’est pas disposé à faire des concessions, cela devient vite invivable.

 

Comme le faisait son père, Mario, fut fidèle à la tradition. Un soir, il convia tous ses clients à venir dîner sur la splendide terrasse qui dominait la baie de Porticcio. C’était un vrai plaisir pour les yeux. Parmi les convives, était présent un couple avec leur petite garçon, qui se prénommait « Romain ». Le père, grand et de forte corpulence, était plutôt sympa. Quant à sa femme, du même gabarie que son mari, elle se montrait toujours sur la défensive. Christiane, l’avait toujours pressentie jalouse. Les deux couples se côtoyaient depuis des années ; en plus, ils habitaient Paris. Ce qui les rapprochait. La première fois qu’ils s’étaient rencontrés, la femme, très grande, massive et sans attraits particuliers, avait détaillé Christiane, de la tête aux pieds. Toutes les deux, physiquement, c’était le jour et la nuit. L’une, petite, fine et très féminine et la seconde, plus grande que la moyenne, brune et les traits du visage, rébarbatifs. Visiblement sûre d’elle, car était cadre cadre dans une entreprise, alors que Christiane, traînait derrière elle un passé semé d’échecs et d’embûches.

 

Le repas se déroulait dans la joie et la bonne humeur, lorsque la conversation dévia sur l’accouchement et la maternité. Christiane, légèrement euphorique, rapporta qu’elle avait accouché à Neuilly, à la clinique Sainte-Isabelle. C’est à cet instant précis que la maman du petit romain, eut une réaction imprévisible qui laissa planer un froid. S’adressant directement à Christiane, c’est avec un léger rictus aux commissures des lèvres, qu’elle lui signifia son mépris et toute sa hargne. - A Neuilly ?? Quel snobisme ! Pourquoi pas à l’hôpital… ? Christiane, piquée à vif par cette remarque totalement dénuée de tact, lui rétorqua que son gynécologe pratiquait dans cette clinique et que pour éviter une césarienne, ce fut une obligation incontournable. Ses paroles, singlantes, résonnèrent comme à l'intérieur d'une chapelle. Il est vrai, qu'au vu des circonstances de l’époque, dramatiques, Christiane avait des raisons valables, d'être sorti de ses gongs. Les deux femmes, se fusillaient du regard, tels deux gangsters près à dégainer. Soudainement oppressée, prête à éclater en larmes, "mon Amérique à moi » détourna son regard de son adversaire et fit volte-face. Elle se leva précipitamment de son siège et, sans un mot, décida de rejoindre le bungalow. Tous les regards étaient fixés sur elle ; y compris celui de son mari, chargé de reproches.

 

De n’importe quelle façon, pour Didier, Christiane était toujours fautive. C’était systématique. Un jugement qui lui dispensait de prendre parti et de se mettre qui que ce soit à dos. Son légendaire courage et son éternelle franchise de faux-cul, mettait la jeune femme dans un tel état d'énervement, qu’elle était incapable de se maîtriser. Elle se sentait très remontée contre Didier. Dans ces moments-là, elle éprouvait tant de mépris, tant de haine à son endroit, qu’elle aurait donné n’importe quoi pour le quitter sur le champ ! Christiane, une fois seule et au bord de l’explosion, vit arriver son mari qui la rejoignait. IL transportait dans ses bras, une Roselyne endormie. Les traits déformés par la colère, il scanda - C’est plus fort que toi ! Tu n'peux pas t'en empêcher !! C’est simple ; tu te disputes avec tout le monde ! L’altercation fut terrible. Les hurlements d’indignation de Christiane, portèrent certainement, jusqu’au port d’Ajaccio. Stimulée par la réaction inappropriée d’un homme lâche et de mauvaise foi, Christiane, cramoisie de colère, lui débita le pire de ce qui la rongeait quotidiennement ; au point d’en devenir aphone.

 

Le lendemain, elle n’eut pas un regard pour son mari et se jura de ne plus adresser la parole à cette garce de pimbêche, qui nourrissait à son encontre, une jalousie féroce et maladive. Au début de leur relation, Christiane, se souvenait encore des paroles de Didier. - l’Amour est si fragile, que pour le préserver, il faut surprendre l’autre et ne surtout pas, se laisser aller à la routine. Une suite de mots imposteurs qui niaient ce qu’il était vraiment : un ours mal léché qui n’aimait rien ni personne. Quelle connerie ! Pour lui, ce fut un jeu d’enfant, de l’embobiner, de l’attirer dans sa toile visqueuse imprégnée de fourberie et de mensonges. A côté de cela, elle avait dû regarder la vérité en face. Le supporter tel qu’il était : froussard et fourbe. Une contrefaçon de ce qu’il avait été lors de leurs premières amours. Leur relation était factice. Pour la façade. En présence de sa mère, son père… bref, de sa famille, il lui prenait la main, l’appelait mon cœur… Et, dans l’intimité, il se montrait si versatile, si destructeur, si faible de caractère, que Christiane se laissait consumer lentement ; essentiellement pour l’amour de sa fille.

 

En remontant vers la capitale, Didier, proposa à sa femme, de s’arrêter chez sa mère, qui habitait une maison minuscule construite en pleine brousse, à proximité d’un bourg. Depuis la mort de son mari, elle vivait seule à la merci de son vice, l’alcool, de son alcoolisme, de ses dépressions et de ses multiples maux qui l’avaient conduite plusieurs fois à l’hôpital. Après des politesses de convenance (car Didier détestait sa belle-mère) il proposa d’aller déjeuner dans un des nombreux restaurants de Chinon. Christiane, perceptible au climat lourd de sous-entendus qui régnait au cours du repas, perturbés par les regards impatients de son mari, qui s’astreignit à soutenir sa belle-mère jusqu’aux toilettes, elle se referma dans le silence, en priant que cela se finisse vite.

 

Lorsqu’on se quitta et que la voiture eût démarré en direction de Paris, Giselle, sa mère, debout devant le perron, lui fit un signe de la main en guise d’adieu. A cet instant, Christiane, eut l’intime conviction qu’elle ne reverrait jamais sa maman. Pendant quelque seconde ses yeux restèrent attachés à la silhouette de celle qui l’avait mise au monde et, malgré tout, elle en était certaine, qui l'avait aimée !

 

 

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