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On se rabiboche

072A

.......................................................................... 88ème épisode

Comme tous les ans au retour de vacances, Christiane, dût chasser l’appréhension qui lui pesait sur l’estomac. Bien qu’elle n’acceptât pas sa vie qui n’était qu’une suite de malentendus et de désappointements, elle fît appel - encore une fois – à toute sa volonté pour contrer cet état dépressif chronique qui la corrodait à longueur de temps et qui la laissait si réceptive. Aux yeux de sa fille, elle fit bonne figure et s’efforça de contrôler ses irrépressibles envies de pleurer qui lui étreignaient la gorge. Pendant un mois, les factures et les injonctions de payer, n’avaient cessé de s’accumuler dans la boîte aux lettres. A chaque fois, c’était un défit d’ouvrir chaque enveloppe. La petite, devaient passer en CE2 et c’est à la fois surexcitée et légèrement inquiète, qu'elle abordait la rentrée des classes. Christiane redoutait l’automne ; octobre et surtout novembre, des mois mornes et entachés de mélancolie. A Paris, les hivers étaient interminables et se prolongeaient au-delà du printemps !

 

Au cours du mois de novembre, des grèves réccurentes, générées par un plan de retraite proposé par le Gouvernement « Juppé », se déclenchèrent en signe de protestation. Le genre de grèves que l’on n’avait pas vu depuis 1968. Environ deux millions de travailleurs du secteur public cessèrent le travail pendant un mois ; ce qui déclencha des manifestations de tout bord, partout en France. Ces grèves paralysèrent les communications de toutes les grandes villes de France. Pendant quatre semaines, les journaux, la télévision et la radio furent dominés par les discussions du conflit social. Et tout ceci, après l’élection aux Présidentielles de Jacques Chirac. Les travailleurs, privés de transports en commun (tout était arrêté) ressortirent leurs vieux vélos pour se déplacer ou faute d’autres moyens, utilisèrent le « stop ».

 

Etait-ce dû au contexte du moment ? Or, Christiane, pourtant confortée par la pensée de ne pas à avoir subir l’obligation du boulot et d’affronter chaque jour - comme les copains - le « casse-tête » du trajet, se découvrit des angoisses qui lui donnait la sensation d’une enclume au centre du plexus solaire, ainsi que des sensations d'étouffement ; jusqu’à, qui sait ? Faire une attaque…? La rupture d’un anévrisme ou crise d’hémiplégie (fréquentes dans la famille)…Les nerfs tendus à fleur de peau, chaque bruit quel qu’il fût, lui faisait l’effet d’une décharge électrique qui s’insinuait dans chaque fibre de son corps. Cet état d’angoisse avancée commençait à la tombée de la nuit et durait une bonne partie de la nuit. Mon essentiel dût se traîner jusqu’à chez son médecin qui lui prescrivit un traitement d’anxiolytique.

 

Malgré son état, Christiane, ne s’écoutait pas. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, tous les soirs vers 16 heures 15, elle s’habillait chaudement, se saisissait de ma laisse et, en route pour l’école ! Un soir, alors que nous abordions le boulevard Murat, ma maîtresse aperçut au loin une silhouette qui lui était familière. Une petite femme aux jambes maigrelettes et aux cheveux frisés blond décoloré, attendait devant la porte de l’école. A n’en pas douter, c’était Mado ! Que faisait-elle là ? Il était certain qu’elle attendait quelqu’un ! Bouche bée, Christiane vint à sa rencontre et, après l’avoir saluée, lui demanda la raison de sa présence. Je ne sais plus ce qu’elle répondit mais, toujours est-il, qu’elle justifia sa présence. Christiane, repoussant toute logique, se précipita dans ses bras. Evidemment, Roselyne, était ravie de retrouver celle qu’elle considérait comme sa grand-mère. Elle lui sauta au cou et puis elles repartirent bras dessus et bras dessous, en direction de la Seine. Moi, toute guillerette, je trottais derrière ma maîtresse. Les amours, en pleine renaissance, reprirent de la vigueur et puis dans l’élan de la réconciliation, les deux femmes décidèrent de se tutoyer.

 

Il était prévu que Giselle, monte à Paris, pour les fêtes de Noël. Certes, face à cette nouvelle, les craintes de Christiane, étaient justifiées et elle focalisait sur cette perspective. L’extrême mauvaise volonté que Didier, son mari, affichait à l’encontre de sa mère, lui coupait toute envie de faire bombance. L'estomac clôturé, nauséeuse, elle pouvait rien n'avaler ! Plus gougea, tu meurs ! Ses regards excédés, ses soupirs, les vannes qu’il adressait à la pauvre femme, quasiment impotente, liquéfiait mon Essentiel. Giselle se déplaçait en taxi. Du lieu où elle habitait jusqu’à Paris soit, 350 kilomètres aller/retour, lui coûtait une petite fortune. Pour subir son mufle de gendre, c’est trop cher payé ! Or, avait-elle le choix ? Diminuée, vieillie, elle faisait peine à voir ! D’autant plus, qu’elle avait beaucoup grossi et donc, était d’autant plus lourde à soutenir… Pour ce repas de Noël, Christiane, avaient sorti tout ce qu’elle avait de plus précieux en vaisselle. Elle aimait les jolies tables. Y étaler une belle nappe sur laquelle des bougies étincelaient, y placer des verres à pied en cristal, des couverts en argent… Mado, avait été conviée. D’emblée, percevant le mal-être de Christiane, elle proposa d’héberger Giselle. Habituellement, celle-ci, séjournait dans un hôtel situé par loin de chez nous. Hélas, à la maison, on ne pouvait pas pousser les murs… Combien, Ô combien, Christiane aurait adoré habiter un appartement assez grand, pour y recevoir sa mère ; sans devoir subir toutes ces humiliations, ces réflexions acides… Dans cette hypothèse la vie aurait été tellement facile ! Plus de promiscuité, un lit pour se coucher quand on est malade, plus de télévision à subir tous les soirs que Dieu faisait et, le plus important, un endroit à soi pour se retrouver, lire tranquillement, pleurer ou, tout simplement, se recueillir… Il était inutile de rêver. Christiane le savait. Elle devait accepter son destin.

 

Parfois, plus par malice que par gentillesse, son mari Didier, lui avait fait miroiter la possibilité d’un déménagement. Cependant, il avait toujours exprimé des impasses à ce projet. Une fois, devant sa belle-mère, Giselle, il avait bien insisté sur le fait qu’il pourrait obtenir un autre appartement des H.L.M. ! Or, d'après lui, il se trouvait un obstacle de taille : il payait chaque mois le loyer de son ex-femme et donc, naturellement, il ne pouvait se permettrait de débourser un loyer plus conséquent !! Le tout, dit sur un ton de provocation qui n’admettait aucune objection. Inutile d'en découdre et de provoquer un conflit. Ce jour-là, mon Essentiel, avait pointé le nez sur son assiette, en s’efforçant de ravaler la colère qui lui comprimait la gorge. A chaque fois, elle se remémorait les serments du début de leur liaison. Christiane, naïve, s’était laissé embobiner par des boniments acidulés qui lui avaient donné le sentiment d'être une reine. Dans sa tête, elle avait fait l’ébauche d’une famille idéale et avait fini par y croire. C’est au retour de leur voyage en Thaïlande que tous ses projets de bonheur s’étaient effondrés tel un château de cartes.

 

C’est pourquoi, elle se cramponnait tant à Mado, qui lui illuminait sa vie. Cette femme brisait la monotonie de son quotidien en lui apportant l’illusion d’être aimée et comprise. Mado n’avait pas été longue à assimiler les points positifs de cette fausse amitié ; dont elle jouait le rôle à ravir… Les dernières querelles avaient encore consolidé les liens entre les deux femmes, qui semblaient désormais, inaltérables. Et que le tutoiement venait encore de raffermir.

 

La danse orientale était aussi un bon garde-fou. Un plaisir éphémère qui la déstabilisait tant ! Cependant, son besoin omniprésent d’EXISTER, se répercutait sur sa santé mais, il était incontournable ! Pour en revenir à Giselle, cette dernière, tout en se gardant d’émettre la moindre critique à l’endroit de son gendre et des ressentiments qui l’animait, elle se contentait d’observer et d’écouter. Parfois, tout en jetant à regard de connivence à sa fille, elle réprimait un droit de réponse qui pourtant lui brûlait les lèvres. Pour l’amour de Christiane et de sa petite fille, elle faisait abstraction de la stupidité et la méchanceté de son gendre…

 

Depuis, 1994, la dernière année de leurs vacances passées à Djerba, le couple n’avait plus aucune nouvelle de Mylène et de Jo, qui les ignoraient totalement. Ils n’avaient même pas été conviés à leur mariage ! Un comportement qui laissait entrevoir la dose d’amitié que Mylène conservait pour Christiane. Roselyne voyait son père par intermittence. Lorsque Monsieur déniait montrer signe de vie, il téléphonait pour donner rendez-vous à son ex et sa fille, au « Fouquet’s », avenue des Champs-Elysées. Après avoir bu un verre ou deux, tous trois partaient dîner au restaurant. Cette situation déplaisait à Didier. Toujours aussi jaloux et possessif, il redoutait que sa femme le quitte pour rejoindre le géniteur de sa fille. Dans la mesure où c’était impossible, il se rongeait les sangs pour rien ! Jamais, Ô grand jamais ! Christiane n’aurait voulu revivre ce qu’elle avait si mal vécu auprès de Tahar ! Et puis, la petite fille, qui avait alors neuf ans, n’aurait pu supporter la séparation d’avec celui qu’elle considérait comme son papa : Didier. Malgré tout, Tahar s’évertuait à ignorer les pensées profondes de ce dernier. Il jouait parfaitement le rôle de celui qui ne savait pas.

 

C’est ainsi qu’il fit sensation lors de l’anniversaire de sa fille. Pour l’occasion, il insista pour nous inviter dans un restaurant libanais que tenait l’un de ses «potes ». Tahar était un homme pragmatique et très calculateur… Il gardait toujours son self-control et ne se montrait jamais en spectacle. Il voyait, épiait et étudiait l’autre, sans faire de vagues. Tel un fauve, il réfléchissait à sa stratégie et attaquait ; impitoyable et sans sensibilité apparente. Il n’était jamais été perturbé par les remords et dormait sur ses deux oreilles, comme un bébé ! Lorsqu’il voulait atteindre un but, tous les moyens étaient bons… Donc, ce soir-là, pour fêter l’anniversaire de sa fille, il s’était arrangé avec un ami. Nous étions en janvier et il faisait un froid à ne pas mettre un loup dehors ! Grosse déception. Le restaurant avait l’allure d’un bistro sans âme et sans chaleur ; dans tous les sens du terme ! On gelait littéralement ! Didier avait été convié dont d’autres amis que nous ne connaissions pas ou seulement de vue. Christiane, tout sourire, saluait les uns et les autres tout en veillant à masquer son embarras. Et pour cause : les invités en cessaient de s’adresser à elle, en l’appelant « Madame Tahar » et ce, devant Didier, qui rageait intérieurement. Roselyne – tout à son innocence – interpellait son géniteur en l’appelant "papa" et lorsqu’elle s’adressait à Didier, elle l’appelait également « papa ». La tablée, tout en s’abstenant de poser des questions, semblait interrogative. Pour la petite, émerveillée par tous ses cadeaux, c’était naturel ! Normal ; elle avait deux papas ! Valait mieux deux que pas du tout ! C’est ce que lui assurait sa mère… Christiane en conclut que personne n’était au courant de sa rupture avec Tahar ; d’où ce quiproquo… Roselyne exultait. C’était ce qui comptait ! La fille de mon essentiel venait de fêter ses neuf ans. Toutes ces années avaient défilé sans que Christiane puisse maîtriser les évènements. Telle une mouche engluée dans un pot de miel, elle se débattait à pure perte ! Elle n’entrevoyait aucune issue car elle s’était laissé prendre au piège !

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