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"Mein Kampf"

Rédaction

Lors de son emprisonnement, Hitler dicte son texte à plusieurs de ses camarades emprisonnés, dont Rudolf Hess et Emil Maurice. Originellement intitulé « Viereinhalb Jahre [des Kampfes] gegen Lüge, Dummheit und Feigheit » (Quatre ans et demi [de lutte] contre les mensonges, la stupidité et la couardise), l'ouvrage prend son titre définitif « Mein Kampf. Eine Abrechnung » (Mon Combat. Un bilan) sur une idée de l'éditeur Max Amann1. Les premiers lecteurs furent les fidèles de Hitler ; le succès du livre auprès des siens encourage Adolf Hitler à rédiger un second tome.

 

Le texte originel a été remanié à plusieurs reprises par l'entourage de Hitler pour lui donner une forme plus cohérente et plus lisible2.

Un succès de librairie tardif

Le premier volume est publié le 18 juillet 1925 ; le second le 11 décembre 1926 se termine avec une dédicace à son « professeur » Dietrich Eckart. À sa parution, le livre (qui coûtait le prix élevé, à l'époque, de douze reichsmarks) connait un succès modeste et, jusqu'en 1929, 23 000 exemplaires du premier volume et seulement 13 000 du second3 furent vendus. Après 1930, le tirage augmente fortement4 : jusqu'en 1935, il s'en vendra 1,5 million d'exemplaires5. À partir de 1936, il devint le cadeau de mariage de l'État aux couples allemands. Ian Kershaw estime le tirage à environ 10 millions d'exemplaires en allemand jusqu'en 19456, ce qui représente près d'un foyer allemand sur deux.

Les revenus littéraires de Hitler lui permirent ainsi de renoncer à son traitement de chancelier en 1933, ce qui servit bien sûr à légitimer davantage le pouvoir.

Le livre a été traduit en seize langues étrangères5, dont une dizaine par l'éditeur officiel. Pour des raisons politiques, les versions traduites furent souvent expurgées, modifiées ou inexactes. Par conséquent, on retrouve de nombreuses divergences idéologiques et sémantiques, parfois même jusqu'à rendre certaines versions tout à fait incohérentes et illisibles.

À partir de 1933, le livre devient une référence politique et est édité en plusieurs formats. On en fait notamment une version de luxe destinée aux dignitaires nazis. Une version en braille a également été publiée5.

En 2008, les ventes totales de Mein Kampf depuis sa parution sont estimées à 80 000 000 d'exemplaires[réf. nécessaire]. Selon cette estimation, et d'après les estimations de Ian Kershaw plus haut mentionnées, 70 000 000 d'exemplaires auraient été autorisés après la chute du Troisième Reich.

Contenu

C'est tout à la fois un document autobiographique, le récit de la naissance et du premier développement du parti nazi, et un essai et manifeste politique qui énonce les bases idéologiques du programme politique de son auteur. Mein Kampf exprime plusieurs ambitions difficilement dissociables : le désir d'assimilation culturelle des Juifs (l'extermination physique n'étant à l'époque pas évoquée) et des Tziganes au nom d'une théorie raciale, d'une militarisation expansionniste et d'un renouveau national allemand teinté de revanchisme.

 

Il annonce sans ambiguïté le programme du parti nazi, fondé notamment sur la volonté de réunification des territoires à population germanique (le pangermanisme) ainsi que la nécessité de s'assurer, en Europe de l'Est, un « espace vital » allemand. Il comporte des menaces précises, qui firent écrire au maréchal Hubert Lyautey : « Tout Français doit lire ce livre ». De même, Pie XII déclarait en 1929 : « Ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu'il dit et écrit porte l'empreinte de son égoïsme ; c'est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin - je n'arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu'il écrit et dit. - Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu'est Mein Kampf ? »7

 

Selon Adolf Hitler :

  • La cartographie de l'Europe, issue du traité de Versailles (« Diktat de Versailles »), est inacceptable, car elle a pour conséquence immédiate l'éclatement des peuples de culture allemande.
  • L'Autriche et les minorités allemandes de Tchécoslovaquie et de Pologne doivent être rattachées à l'Allemagne en un seul espace géographique, le « Grand Reich » (Großdeutsches Reich) : « Une heureuse prédestination m'a fait naître à Braunau-am-Inn, bourgade située précisément à la frontière de ces deux États allemands dont la nouvelle fusion nous apparaît comme la tâche essentielle de notre vie, à poursuivre par tous les moyens8. ».
  • Pour assurer l'épanouissement du peuple allemand réunifié, il préconise la voie des chevaliers teutoniques : « conquérir par l'épée allemande le sol où la charrue allemande devrait faire pousser le blé pour le pain quotidien de la nation ».
  • Cela nécessite de réarmer le pays et d'atteindre l'autosuffisance économique par une série de conquêtes territoriales.
  • Le nouvel essor de la nation allemande doit se faire notamment au détriment des territoires russes, des pays de l'Europe centrale et danubienne, mais aussi à l'ouest, au détriment de la France qu'il considère comme « inexorable et mortelle ennemie du peuple allemand ».

Les points suivants sont traités dans le livre, mais pas nécessairement dans le même ordre.

  • Hitler commence par rappeler qu'il est né à la frontière austro-allemande. Il y voit un signe du destin qu'il doit unifier les peuples de langue germanique, plus particulièrement qu'il doit « ramener l'Autriche allemande à la patrie allemande » (incarnée par le Reich allemand de Bismarck), selon le principe qu’« un même sang appartient à un même peuple9 ». L'unification allemande est vue comme la condition préalable au développement d'une politique coloniale, elle-même condition de prospérité économique et démographique. « Lorsque le territoire du Reich contiendra tous les Allemands, s'il s'avère inapte à les nourrir, de la nécessité de ce peuple naîtra son droit moral d'acquérir des terres étrangères. La charrue fera alors place à l'épée, et les larmes de la guerre prépareront les moissons du monde futur10 ».
  •  
  • Lors d'une brève affectation à Berlin (à l'époque en pleine disette) à la fin 191611, il « découvre » que « Les bureaux étaient bondés de Juifs. Presque tous les secrétaires étaient Juifs, et tout Juif, secrétaire. Je m'étonnais de cette abondance d'embusqués du peuple élu et ne pouvais faire autrement que de comparer leur nombre à celui de leurs rares représentants sur le front12 ». Selon Hitler, les « Juifs » sont non seulement des « planqués », mais encore, ils exploitent économiquement le peuple allemand à leur seul profit et camouflent cette activité en tentant de susciter la discorde (Bavière contre Prusse, grève des munitions, etc.).
  • Il raconte la nuit où « la vérité se fit jour dans [son] esprit » et où il « comprit en pleurant jusqu'au matin que le peuple juif travaillait délibérément à la ruine de l'Europe, et de l'Allemagne en particulier ».
  • Il développe sa théorie de la chute des civilisations antérieures : la domination se traduit par l'extension territoriale, qui aboutit au métissage, qui à terme se traduit par une « dégénérescence de la race initiale », puis la décadence.
  • Il y développe aussi sa vision du racisme : d'après lui, les peuples « inférieurs » ne peuvent espérer survivre qu'en se métissant avec les peuples « supérieurs », en ont l'obsession, et parviennent à leurs fins quand ces derniers sont totalement métissés, et ne constituent plus un danger pour eux. C'est selon lui ce qui commence à se produire en Europe, y compris en Allemagne. C'est là une idée qui a pu être trouvée par exemple chez Gobineau.
  • "Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands tire les caractères essentiels d’une conception raciste (völkisch) de l’univers13".
  • Il annonce sa position sur les rapports relatifs du parti et de la propagande : plus la propagande est efficace et moins il y aura besoin d'avoir de membres dans le parti, ceux-ci étant du même coup à la fois plus sûrs et plus faciles aussi à surveiller.
  • Sur le plan organisationnel, il souligne les leçons à prendre de l'Église catholique romaine : "sa force de résistance ne réside pas dans un accord plus ou moins parfait avec les résultats scientifiques du moment, résultats d'ailleurs jamais définitifs, mais dans son attachement inébranlable à des dogmes établis une fois pour toutes, et qui seuls confèrent à l'ensemble un caractère de foi14".
  • En revanche, il dénonce la vision chrétienne du monde comme pernicieuse et propre à affaiblir les qualités germaniques.
  • Selon son livre,
    • les individus handicapés doivent être éliminés (eugénisme actif) : anéantir avec une décision brutale les rejetons non améliorables15;
    • « L'Aryen est le Prométhée de l'humanité ; »16 ;
    • les peuples « inférieurs » doivent être asservis aux peuples « supérieurs » (dont le peuple allemand) ;
    • tout peuple « supérieur » autre que le peuple allemand, s'il en existe, doit lui aussi être éliminé sans délai, car il constitue un danger. Le métissage serait une autre façon de neutraliser leur danger à terme, mais ce serait au prix d'une perte d'identité de la « race ». Il faut interdire le métissage et il faut que le peuple menacé élimine l'autre.

 

  • La France est désignée comme un ennemi à abattre pour ses manœuvres anti-allemandes, considérées d'ailleurs comme logiques : « Je ne croirai jamais à une modification des projets que la France nourrit à notre égard ; car ils ne sont, au fond, que l'expression de l'instinct de conservation de la nation française. Si j'étais Français et si, par conséquent, la grandeur de la France m'était aussi chère que m'est sacrée celle de l'Allemagne, je ne pourrais et ne voudrais agir autrement que ne le fait, en fin de compte, un Clemenceau ».

 

  • Autre citation : « Notre objectif primordial est d’écraser la France. Il faut rassembler d’abord toute notre énergie contre ce peuple qui nous hait. Dans l’anéantissement de la France, l’Allemagne voit le moyen de donner à notre peuple sur un autre théâtre toute l’extension dont il est capable ».
  •  Rééditions

    Après la guerre, Fernand Sorlot procède à la réédition de l’œuvre, considérant que ce ne sont pas seulement les Français des années 1930-1940 qui devaient connaître ce livre, mais également, les jeunes, notamment ceux qui, à une enquête célèbre, répondaient : « Hitler ? Connais pas. » La LICA en 1978, poursuit en justice Fernand Sorlot qu'auparavant elle acclamait pour avoir osé publier Mein Kampf. Á l'issue du procès, la LICA obtient 80 000 francs de dommages et intérêts bien qu'elle n'ait pu justifier « d'aucun préjudice subi par elle, ou par ses adhérents, du fait de cette réédition29 ».

  • Statut juridique actuel

    En Allemagne

    Le Land de Bavière (qui a hérité de tous les biens de Hitler) détient les droits d'auteur internationaux du texte et les utilise pour empêcher la publication ou la diffusion d'éditions complètes et non commentées (Adolf Hitler étant mort en 1945, son ouvrage tombera dans le domaine public le 1er janvier 2016). Le Land de Bavière exerce ses droits d'auteurs, donnant avec condition (éditions partielles, ajouts de commentaires critiques) ou refusant le droit aux éditeurs de republier Mein Kampf.

    La réédition du livre est ainsi interdite, seule est donc autorisée la vente des livres publiés avant 1945.

  • Cette situation est à l'origine de débats qui opposent la liberté d'expression à la lutte contre le racisme, ou dans lesquels on présente la diffusion de l'ouvrage comme un moyen de lutter contre le nazisme : diffuser le texte permettrait de mieux faire connaître le contenu de l'idéologie nazie, et donc de mieux lutter contre elle, voire de se prémunir contre les techniques déployées pour instaurer un régime totalitaire.

  • En France

    En France, la cour d'appel de Paris a décidé, dans un arrêt du 11 juillet 197930, d'autoriser la vente du livre, compte-tenu de son intérêt historique et documentaire, mais assortissant cette autorisation de l'insertion en tête d'ouvrage, juste après la couverture et avant les pages de garde, d'un texte de huit pages mettant en garde le lecteur, notamment en rappelant par quels aspects l'ouvrage « tombe sous le coup » de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 modifiée par la loi du 3 juillet 1972 et notamment de ce qui était à l'époque son article 23, l'alinéa 5 de l'article 24, l'alinéa 2 de l'article 32 et l'alinéa 3 de l'article 33 et en faisant suivre ce rappel des dispositions légales par un survol historique des méfaits du Troisième Reich.

    Le texte, Adolf Hitler : Mein Kampf, Mon Combat, présenté depuis 1934 par les N.E.L. comme la traduction « intégrale et neutre » du livre, ne tombera dans le domaine public qu'en 2054, date anniversaire du décès du second traducteur déclaré.

    Aux Pays-Bas

    Aux Pays-Bas, la possession de Mein Kampf (Mijn Kamp en néerlandais) est autorisée mais pas sa vente, interdite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et pénalement punissable depuis 198731.

    En Russie

    En Russie, les livres rédigés par les dirigeants de l'Allemagne nazie sont considérés comme des publications à caractère extrémiste, mais Mein Kampf n'était pas mentionné comme un ouvrage interdit jusqu'à fin mars 2010. En vente libre jusqu'alors, l'interdiction a été prise à la suite d'une décision de justice d'un tribunal à Oufa, dans l'Oural, qui l'a qualifié d'extrémiste. Le parquet général russe a depuis fait figurer Mein Kampf sur la liste des livres interdits32.

    En Suisse et dans les autres pays

    En Suisse, Mein Kampf est considéré comme un simple ouvrage littéraire et sa vente est légale dans toutes les librairies. Dans la plupart des pays, la vente du livre n'est pas interdite légalement.

    Statut juridique à venir

    C'est en 2015 que Mein Kampf tombera dans le domaine public, et sera librement publiable, en application du droit d'auteur. Dans cette perspective, un collectif d'auteurs souhaite que le Parlement et les instances européennes publient une recommandation demandant qu'un avertissement (inspiré de celui exigé en France depuis 1979) soit inclus dans chaque nouveau volume et que cette signalétique s'applique à Internet par une démarche volontaire des gestionnaires de sites et des moteurs de recherche. Il réclame que des éditions scientifiques soient publiées de manière concertée en différentes langues33.

     
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