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Qu'est-ce qu'un blasphème ??

Qu'est-ce-que le blasphème ? par Catherine SÉGURANE
- Point de vue -
Le blasphème, cette notion que l'on voudrait croire moyenâgeuse, est au cœur de l'actualité. Des pièces de théâtre ont fait réagir certains catholiques. Les pays de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) sont en campagne permanente auprès de l'ONU et d'autres organisations internationales pour faire du blasphème un délit, et leurs idées avancent, puisque même dans la France laïque, la critique de l'islam, en théorie permise, expose à des poursuites sur la base d'articles du code pénal ayant un autre objet.
Nous allons faire le point sur ce qu'est le blasphème. Nous commencerons par nous intéresser à son étymologie et à sa définition, ce qui nous permettra de le reconnaître dans des incriminations où il tente de devenir un délit qui avance masqué.

Étymologie et définition
Le mot vient du grec βλασφημία, prononcé blasphêmía, dérivé de βλάπτειν / bláptein, « injurier », et φήμη/φάμα / phếmê ou pháma (dialecte dorien), « réputation », qui a donné blasphemia en latin et signifie littéralement « diffamation ».
Les racines sont chose solide : ce terme de diffamation (des religions), venu du fond des âges, revient dans le vocabulaire moderne : c'est précisément celui utilisé dans l'enceinte de l'ONU par les pays de l'OCI, qui demandent presque tous les ans des mesures mondiales contre la "diffamation des religions" , c'est à dire, étymologiquement, contre le blasphème.
Dans sa première édition de 1694, le Dictionnaire de l'Académie française définit le blasphème comme "Parole impie, discours tenu contre l'honneur de Dieu, ou contre les choses divines & sacrées."
Dans la neuvième édition de ce dictionnaire (celle en cours ; encore incomplète mais la lettre B a été traitée), le blasphème est une "parole qui outrage la divinité ou qui insulte la religion."
Le Dictionnaire de l'Académie française ayant valeur normative, ces définitions sont, en français, celles qui ont la plus haute autorité.
Il ne s'agit cependant pas de définitions juridiques, bien évidemment, puisque le blasphème n'est pas une infraction, et n'est donc pas défini par le code pénal français.
La répression du blasphème
La répression du blasphème, quand les religions peuvent l'exercer librement, est féroce.
L'on se souvient encore du Chevalier de la Barre, un jeune homme de 19 ans, torturé et exécuté le 1er juillet 1766, accusé d'avoir chanté des paillardes et refusé de se découvrir au passage d'une procession.
L'époque contemporaine nous offre le cas d'Asia Bibi, chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour avoir bu de l'eau à un puits réservé aux musulmans et refusé de se convertir. S'il est le plus emblématique des persécutions de chrétiens au Pakistan, le cas d'Asia Bibi n'est qu'un parmi de nombreux autres. Les persécutions pour blasphème dans ce pays sont massives. Elles touchent principalement les minorités religieuses, mais peut aussi toucher des musulmans. L'accusation est lancée au moindre différend, elle est imparable, et le juge qui acquitterait un accusé de blasphème serait lui-même en danger de mort.
L'on doit toujours garder ces données en tête. La répression du "blasphème", quand elle peut se donner libre cours, est féroce et justifie une vigilance sans faille.
Les Églises chrétiennes et le blasphème
Si les Églises chrétiennes ont autrefois beaucoup persécuté sur la base du blasphème, elles sont aujourd'hui persécutées à ce même titre, ce qui explique des positions fluctuantes.
Le paradoxe en est au point où le Vatican demande l'abrogation de la loi pakistanaise contre le blasphème et refuse de voter les résolutions "anti-diffamation" récurrentes de l'OCI devant l'ONU. 
Sur le site d'une église orthodoxe, nous pouvons lire :
" Les lois « anti-blasphème » recèlent de défauts implicites qui sont la source des phénomènes d’abus des droits humains. Une définition claire et cohérente du blasphème est souvent reléguée aux abonnés absents, et, par conséquent, une grande marge de manœuvre est offerte sur un plateau aux procureurs, aux juges et aux accusateurs, souvent motivés par l’intérêt politique ou l’appât du gain personnel.
 
De toute manière, le contexte politique ne joue pas un grand rôle, et les lois « anti-blasphème » prêtent le pouvoir de l’État à des autorités religieuses particulières et allument la mèche de l'extrémisme : car les agissements les plus conservateurs et intransigeants d'une communauté religieuse sont aussi ceux qui s'offensent le plus et cherchent les premiers à s'arroger le manteau de l'Orthodoxie et du christianisme."
Ces prises de position "anti-pénalisation du blasphème" d'Églises chrétiennes seraient encourageantes, mais sont contredites par d'autres forces chrétiennes. 
De nombreux pays chrétiens (Allemagne, Autriche, Espagne) possèdent des législations pénales anti-blasphème, et l'Irlande a même élargi la sienne, qui concernait au départ le seul blasphème anti-chrétien, pour lui faire englober le blasphème anti-musulman.
Des chrétiens ont en outre participé à la Conférence mondiale des religions qui s'est tenue à Montréal. Les participants y ont demandé que l'interdiction du dénigrement des religions soit inscrit parmi les Droits de l'Homme.
Le blasphème, l'islam, l'ONU, l'international
L'OCI mène depuis plusieurs années une campagne devant l'ONU, et d'autres organisations internationales, pour tenter d'obtenir une pénalisation mondiale du blasphème. Elle a réussi à prendre le contrôle de la Commission des droits de l'homme, rebaptisée Conseil des droits de l'homme après avoir été totalement discréditée, en particulier par une présidence libyenne. L'objectif était de remplacer la conception occidentale des droits de l'homme par la conception islamique.
On a pu voir des textes surréalistes : une résolution condamne la Suisse pour l'interdiction des minarets. Les États musulmans réclament une action énergique de l'ONU contre l'"islamophobie" en Occident.
Tous les ans, comme un marronnier, revenait une résolution de cette commission condamnant la diffamation des religion. Les pays désireux d'exprimer leur hargne anti-occidentale y étant majoritaires, ces résolutions étaient votés, mais avec une majorité de plus en plus courte chaque année. Même le Vatican finit par voter non !
La dernière de ces résolutions présente une particularité : les fins exégètes du vocabulaire diplomatique estiment que le Conseil des droits de l'homme a abandonné cette notion. Enfin, faut l'dire vite ... je vous laisse soupeser vous même les ailes de mouches :
 Ce virage s'est concrétisé, jeudi 24 mars 2011, au Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies. Les États membres y ont adopté - sans vote, par consensus - une résolution, présentée par le Pakistan au nom de l'OCI, relative à la liberté de religion ou de croyance. Une résolution où ne figure plus cette notion, extrêmement controversée, de « diffamation des religions ». Ce grand effort de vocabulaire a permis aux diplomates de voter quand même la résolution islamique. En défendant la résolution, le représentant du Pakistan a bien souligné que l'intolérance religieuse signifiait avant tout, à ses yeux, la stigmatisation de l'islam par l'occident. Des diplomates de pays islamiques, rapporte le correspondant de Reuters, ont déjà averti le Conseil qu'ils pourront à nouveau soutenir le concept de diffamation religieuse s'ils ne constatent pas que les pays occidentaux agissent pour protéger les croyants.
En résumé : rien de changé dans l'objectif, qui reste d'interdire aux Occidentaux toute critique de l'islam. Juste des précautions de vocabulaire pour mettre plus l'accent sur les religions en tant qu'ensemble de personnes plutôt qu'en tant que dogmes.
Ces pressions répétées sur l'ONU ne sont pas les seules. L'offensive concerne toutes les instances internationales, par exemple l'OSCE , ou le Conseil de l'Europe.
Une répression sournoise de la critique de l'islam
La légère évolution du vocabulaire de l'OCI ne doit pas nous tromper : l'objectif n'est pas perdu de vue, et il est d'interdire toute "diffamation", toute critique de l'islam.
On citera à titre d'exemple cette protestation de l'OCI auprès les Pays-Bas (vaine) pour avoir oser relaxé Geert Wilders :
« Le Prof. Ekmeleddin Ihsanoglu a fait savoir que le dénigrement de l’islam et de l’image sacrée du prophète Mahomet par Wilders a atteint un stade où il ne peut plus être toléré sous aucun prétexte, y compris celui du droit à la liberté d’expression. Il a exhorté le gouvernement des Pays-Bas à prendre les mesures appropriées nécessaires pour contenir la campagne de haine et d’incitation orchestrée par Wilders qui est un partenaire de la coalition du gouvernement néerlandais. Il a exprimé sa vive préoccupation au sujet du silence observé à cet égard par le gouvernement néerlandais, chose pouvant porter atteinte aux bonnes relations bilatérales existant actuellement entre les États membres de l’OCI et les Pays-Bas. »
Ce communiqué nous donne l’occasion de revenir sur un aspect méconnu du procès d’Amsterdam, qui tient aux pressions internationales. Nous rappellerons que ce procès ne fut pas initié par le Parquet, mais par des plaignants privés dont on aimerait savoir par qui ils étaient eux-mêmes actionnés ; ces plaignants purent obtenir la tenue du procès car la législation néerlandaise permet de faire appel du refus du Parquet d’engager des poursuites.
La campagne anti-critique porte ses fruits. Certes, dans l'affaire vue plus haut, les Pays-Bas ont envoyé bouler l'OCI. Certes, au sein de l'ONU, les pays occidentaux défendent formellement la liberté de conscience, mais en réalité, l'interdiction de critique progresse en s'appuyant sur le caractère de plus en plus consanguin et internationalisé de la nomenklatura. Les canaux sont divers et irriguent tout. Une idée émise à l'ONU fait son chemin jusque dans la tête d'un juge français, même si la France vote non aux résolutions anti-blasphème, et même si le blasphème n'est pas inscrit au code pénal français.
La répression du "blasphème" avance masquée, cachée sous des noms divers. Classiquement, les critiques de l'islam risquent toujours d'être incriminées sous le vocable d'incitation à la haine raciale, délit sans vraie définition qui permet de réprimer à peu près tout. S'y ajoute maintenant le tout nouveau délit d'entrave au conseil municipal, inauguré, sans surprise, par un porteur de masque de cochon.
Quel que soit le soin avec lequel on pèse ses mots, le risque judiciaire zéro n'existe jamais quand on critique l'islam. En théorie, on a le droit de critiquer les textes, ou de critiquer des personnes mais sans généraliser, mais en réalité le risque existe toujours. 
Est-il même permis de critiquer l'islam djihadiste ? Ce n'est même pas sur, et le Conseil français du culte musulman se choque de ce que l'on puisse faire un lien entre Ben Laden et l'islam
La notion d'islamophobie est un coup de génie dans le maniement du langage. Le but est de créer l'amalgame entre la critique de l'islam et le racisme.
Voici quelques exemples ce que le Collectif contre l'islamophobie (CCIF) dénonce comme actes "islamophobes" dans son dernier rapport  : des policiers se sont plaints de devoir manger halal à la cantine ; un formateur a fixé une élève voilée pendant un cours ; un conseiller municipal déclare "J'ai des convictions laïques" ; un animateur de centre de loisirs est licencié pour avoir fait faire la prière aux enfants.
Loin d'être mis à l'écart pour ses excès, le CCIF est accrédité auprès de l'ONU, et, d'une façon générale, il est bien introduit à l'international.
Les «blasphèmes» récents au théâtre
Cette pénalisation de plus en plus fréquente du "blasphème" anti-musulman se double d'une attitude totalement inverse face au "blasphème" anti-chrétien.
Qu'on me comprenne bien : je ne vais pas, par protestation contre le deux-poids-deux-mesures, venir me plaindre de ce que le "blasphème" anti-chrétien échappe à l'incrimination pénale.
Mais la bien-pensance va trop loin dans l'autre sens, et dénie même aux chrétiens le droit de protester et de manifester.
Des gens de l'Action française et des chrétiens manifestent contre la pièce scatologique Sur le concept du visage du fils de Dieu. Les débordements sont minimes (deux jeunes gens jettent des œufs et de l'huile de vidange). Pourtant, la réplique de la bien-pensance a été totalement disproportionnée, la Ville de Paris et le théâtre portant plainte. les manifestants en sont, sur plusieurs jours, à 150 arrestations et 3 comparutions immédiates.
Plus grave encore : dans un silence médiatique assourdissant, un jeune homme a eu la jambe écrasée par un car de police alors qu'il était menotté. Il ne perd quand même pas sa jambe. Tant mieux, mais ce n'était pas une raison pour le mettre en garde à vue à sa sortie d'hôpital.
On se pose alors la question :
Est-il encore permis de chahuter une pièce de théâtre ?
La Bataille d'Hernani, ce grand moment de la naissance du romantisme, pourrait-elle avoir lieu aujourd'hui sans qu'on mobilise CRS et tribunaux ?
Le public a-t-il encore le droit de siffler au théâtre sans être accusé de s'opposer à la liberté d'expression (celle des "artistes" subventionnés, pas celle du spectateur lambda) ?
On rappellera que Maria Callas a plus d'une fois reçu des légumes avariés de la part du public traditionnellement difficile de la Scala de Milan. Loin de convoquer les tribunaux, elle prenait en mains les bottes de carottes pourries, et s'inclinait avec le sourire, comme s'il s'agissait d'un bouquet de roses. Elle retournait ainsi la situation, et les sifflets se changeaient en bravos. Mais c'était Maria Callas ...
Autre polémique, celle autour de Golgotha Picnic. Les protestataires sont, bien entendu, traités d'intégristes.
Je me permets de faire observer qu'il n'est nullement besoin d'être intégriste, ni même catholique, pour trouver totalement idiot un titre tel que Golgotha Picnic. Le Golgotha était le lieu des exécutions dans l'ancienne Jérusalem. Que l'on croie ou non au Christ, il y a eu là des tortures et des exécutions en grand nombre, et il est parfaitement permis de trouver totalement nulle l'idée de parler d'y pique-niquer.
Il faudrait vraiment arriver à une position laïque et civilisée sur la question du "blasphème" et de la critique des religions, à savoir :
- aucune religion n'est supérieure à une autre, ni supérieure à l'athéisme ; la critique est libre
- en revanche, et sans qu'il doive leur être permis de franchir le seuil de la violence y compris judiciaire, les personnes qui se sentent choquées ont le droit de protester par la parole et ont le droit de manifester.
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