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"J'ai failli être égorgée"

Dans ma librairie du Bourget, en plein jour, un drogué cherche à m’égorger

Bien chers toutes et tous,

« Je vous ai peu donné de mes nouvelles ces derniers jours, la faute en est  aux événements tragiques que j’ai vécus. J’ai vu bien des misères humaines. » Ainsi s’exprimait Jean Moulin dans une lettre adressée à sa mère et à sa soeur le 15 juin1940.

 

Depuis cet après-midi du 25 août 2012, j’ai à maintes reprises parcouru cette missive, elle me colle au cerveau telle une obsession; elle est tout ce que j’aurai voulu dire aux deux femmes de ma vie: ma mère et ma fille avant de mourir.

 

Ce jour là, tout était clément: le temps, l’humeur de mes clients, la mienne, le sourire des enfants, le soleil jouant dans la vitrine, le parfum délicat d’une rose fraîchement cueillie et en moi ce sentiment simple et tendre d’une fille envers sa mère.

 

Nous échangions comme chaque samedi après-midi, via le téléphone, sur la vie, avec ses points de détails et ses essentiels. J’étais sereine, j’ étais au présent et j’étais bien.

 

Le »dring » de la porte de l’échoppe retentit, machinalement, je jetai un oeil mais, rien ne m’interpella sur l’instant. Pourtant, une fois cette dernière refermée, cette silhouette, avec une casquette vissée sur le crane et des lunettes de soleil, me disait plus que quelque chose; elle ressemblait à s’y méprendre, à celui qui, le samedi d’avant m’avait ……

 

Mon corps lui, avait déjà tout saisi, mettant au carmin tous ses signaux internes.

 

Le combiné collé à l’oreille, je jaillis de derrière mon comptoir pour m’échapper, tout en prévenant en patois charentais, maman de ma situation.

 

A deux pas de la porte, il me saisit par les cheveux, le téléphone vola, son corps se plaqua contre le mien, son bras enlaça mes épaules et sur ma gorge je sentis le froid de l’acier.

Une lutte sans merci s’engagea, il hurlait: « Je vais te tuer, t’égorger sale bâtarde, il faut que tu crèves! ».

A cet instant précis, j’étais une brebis voyant venir la mort mais la refusant au nom de tous les miens. Survivre coûte que coûte, une obligation envers celle qui partageait à l’autre bout du fil, avec moi, cet enfer, en toute impuissance.

Je réussis à glisser mes doigts entre la lame et mon cou, le tirant en même temps vers la caisse afin de déclencher mon bouton SOS. Parvenue à mes fins, je me laissais glisser, tentant de me rouler en boule; un premier coup de couteau vint se planter dans la caisse qu’il tira violemment. Elle ne comptait que dix euros et des pièces.

Fou de rage, il me hissa, tentant de viser mes yeux, avec ce qui m’horrifia dix fois plus: un long couteau à dents de scie; désespérée, j’empoignais le tout à pleine main, désirant briser cette lame mortelle.

Une violente bagarre s’engagea, tout valsait, je me débattais, mon corps ne sentait pas les coups, mon sang se répandait sur lui, sur moi; j’étais dans un corps à corps à la vie à la mort, je songeais en même temps à ces femmes que l’on égorge au nom de la charia, à ces chrétiens morts en terre d’islam; tout se mêlait dans mon esprit, la naissance de ma fille, les yeux de son père, le rire du mien, mes parents dansant enlacés au bal des pompiers …..

Soudain, jaillit de dessous la caisse, mon sac à main; il se figea, puis se précipita dessus.

Profitant de ce dégagement, je parvins à lui sortir de suite mon portefeuille, le lui ouvrant là où se trouvent les billets.

Il s’empara des cinq cents euros, me cria qu’il était drogué et qu’il allait me finir. Je roulais sur moi même, évitant la lame de nouveau; mes forces diminuaient, mais les siennes également.

Il m’ordonna de rester couchée au sol tout en s’éloignant, il enfila la porte en la claquant puis disparut.

Aussitôt je me mis à hurler à plein poumon, cherchant ce bon dieu de téléphone: « Maman je suis en vie, maman, maman je suis en vie, maman tu m’entends je suis en vie ».

Je le débusquais sous un présentoir, je m’accrochais à lui comme à une bouée, la voix de maman me parvint enfin: « Marie-Neige, j’ai vécu ton meurtre, oh ma chérie, dis moi où tu as mal, où tu saignes, dis moi! »

Me ressaisissant, je compris que je devais la rassurer, là était mon premier devoir de fille, si je ne voulais pas qu’elle devienne une victime indirecte de cette trente et unième agression. A quatre vingt six ans, elle venait de basculer dans le monde des victimes et à cela nul n’est préparé.

Les policiers municipaux arrivèrent, trente secondes après, coururent en tous sens, mais « le boucher »s’était volatilisé.

Ensuite la routine, dépôt de plainte, constats médicaux, des caméras dont les bandes ne permettent pas l’identification, un maire absent, refusant d’être mis en cause, alors que je lui avais signalé par mail, avec une photo jointe, l’agression par le même individu au cutter la semaine d’avant.

Trouvant sans doute que tout cela ne suffisait pas, un Vladimir n’hésita pas le lundi suivant, à m’arracher en pleine rue ma médaille de baptême et enfin un groupe prit tout son temps lui, pour détruire un panneau publicitaire ,emportant ainsi un bout de la devanture.

Ce mépris de mon vécu par les élus et les institutions me révoltent chaque jour un peu plus, aussi je me pose de simples questions: qui couvrent-ils ? Quels intérêts ont-ils à laisser faire ? Combien de preuves leur faudra t’il encore ?

Mon devoir est tout tracé, résister encore et encore, même si:

« Je sais qu’aujourd’hui je suis allé jusqu’à la limite de la résistance. »

Marie-Neige Sardin

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